HISTOIRE DE SERPILLIÈRE
Acte 2, Scène 6
TONY, MADAME M’BALÀ
TONY : Bon, alors, qu’est-ce qui vous arrive?
MADAME M’BALÀ : Ma
serpillière!
TONY : Votre
serpillière?
MADAME M’BALÀ : Oui,
je ne sais plus où elle est. Je suis sûre que quelqu’un me l’a volée!
TONY : Et c’est pour ça que vous me faites perdre mon temps?
MADAME M’BALÀ : Mais ce n’est pas du temps perdu! C’est important!
TONY : Il me semble que vous avez un chef de service... Pourquoi venir me
voir moi?
MADAME M’BALÀ : C’est votre collègue...
TONY : Mon collègue?
MADAME M’BALÀ : Le beau jeune…
TONY : Le beau jeune?
MADAME M’BALÀ : Oui, celui que vous appelez Mathieu.
TONY
: Lui?
MADAME
M’BALÀ : Vous voyez qui je veux dire?
TONY : Oui, mais
«beau jeune», je ne
pouvais pas deviner… Enfin, tous les goûts sont dans la nature, comme on dit…
MADAME M’BALÀ : Il m’a
aussi dit que vous avez un formulaire fait exprès...
TONY : Un formulaire fait exprès?
MADAME M’BALÀ : Pour les serpillières...
TONY : Pour les serpillières! (à part) Ça c’est tout Mathieu! S’il
croit me faire rire!
MADAME M’BALÀ : Je vous assure: il m’a dit que vous avez un formulaire
spécialement conçu pour les serpillières.
TONY : (il prend
une feuille dans un tiroir, en soupirant, à part mais assez fort) Ah,
celui-là!
MADAME M’BALÀ : Mais pourquoi vous vous énervez comme ça?
TONY : Je ne m’énerve
pas! Je disais juste: «c’est celui-là», en pensant au formulaire que je devais
employer... (il fait semblant de lire) Alors:
dimensions de la serpillière?
MADAME M’BALÀ : Dimensions? Je n’en sais rien...
TONY : Mais moi c’est une précision qui m’est necessaire! Alors:
dimensions?
MADAME M’BALÀ : C’est la dimension règlementaire...
TONY : Ça ne correspond pas avec mon document: il me faut une dimension
précise...
MADAME M’BALÀ : Mais moi je n’ai jamais mesuré... La serpillière, je m’en
sers, c’est tout...
TONY : Ça va bien. Alors j’écris «50 cm par 50 cm».
Ça me semble raisonnable. Et la couleur?
MADAME M’BALÀ : Grise, ça je le sais!
TONY : Marque?
MADAME M’BALÀ : Non! Nos
serpillières sont de bonne qualité! Elles ne font pas de marques! Abîmer le sol
en passant la serpillière! Il ne manquerait plus que ça! Je me ferais crier!
TONY : Mais je ne
vous demande pas si votre serpillière abîme le carrelage! Je vous demande
la marque! Le nom, si vous voulez...
MADAME M’BALÀ : Le nom? Mais elle n’a jamais été baptisée, ma serpillière!
TONY : Ça va. J’écris: «sans marque». Lieu de la disparition?
MADAME M’BALÀ : Et comment je ferais à le savoir? Justement, si je suis
venue ici...
TONY : Ça va. J’écris: «quelque part». (il fait semblant de relire)
Ça me semble complet...
MADAME M’BALÀ : Avec ça, vous avez assez d’informations? Vous la retrouverez?
TONY : Ne vous en
faites pas! On la retrouvera! J’en fais une affaire d’honneur!
MADAME M’BALÀ : Et
les bandits qui me l’ont volée?
TONY : Ceux-là! Le jour où
je leur tombe dessus! Je leur casse les lèvres, les mâchoires, une jambe, je
leur arrache un œil, un bras, ce que vous voulez! (il fait semblant
d’écrire) Je l’écris, pour ne pas oublier de le faire...
MADAME M’BALÀ : Moi, tout ce que je veux, c’est ma serpillière, je ne veux
casser la figure à personne...
TONY : Mais non, c’est juste pour dire... (à part) Mais il y en a un à qui je
casserais bien la figure! Si je le tenais!
MADAME M’BALÀ : Bien, alors, je compte sur vous...
TONY
: Pas de problème, il paraît que je suis un spécialiste!
MADAME M'BALÀ : J’ai
bien de la chance de vous avoir rencontré!
TONY : Je ne
fais que mon métier…
MADAME M’BALÀ : Vous êtes bien gentil, monsieur le
policier...
TONY : Ne vous en faites pas! Au revoir.
MADAME
M’BALÀ : Au revoir. (elle s’en va)
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Scène 7
TONY
TONY :
Ce Mathieu! Toujours le même! Toujours prêt à s’amuser sur le dos des autres!
Attends qu’il revienne! Je lui dirai ma façon de penser!
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